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- 200 - L'invasion du frelon asiatique, tueur d'abeilles (et pas seulement)
Les Nations unies célèbrent le 20 mai la Journée mondiale des abeilles, menacées par les pesticides utilisés en agriculture, mais aussi, en France et en Europe, par une espèce invasive : le frelon à pattes jaunes, venu d'Asie. Les dégâts qu'il provoque dans la nature et l'économie se chiffrent en millions d'euros.
Ames sensibles, s'abstenir. Voici le récit d'une mise à mort sans pitié, l'attaque d'une abeille domestique par un frelon asiatique. « Il va se positionner à l’entrée de la ruche, en vol plus ou moins stationnaire, et il va attendre qu’une ouvrière abeille rentre à la colonie pour essayer de l’attraper en vol,décrit Eric Darrouzet, enseignant-chercheur à l'université de Tours, et spécialiste des insectes sociaux. Il va la décapiter, dépiauter le cadavre, pour ne garder que le thorax, qui contient les muscles, c’est-à-dire de la viande, pour nourrir les larves. »
Le frelon asiatique est ce qu'on appelle une espèce exotique envahissante, un animal ou une plante venue d'ailleurs, en raison des activités humaines, et qui perturbe l'écosystème qu'il colonise. Le frelon à pattes jaunes a débarqué en France il y a 20 ans, à bord d’une cargaison de poteries chinoises, repéré pour la première fois en 2004 dans le Sud-Ouest. Et depuis, les apiculteurs français sont démunis face à cet insecte qui décime leurs ruches, parce que les abeilles d'Europe ne savent pas se défendre contre ce nouveau prédateur, à la différence de leurs cousines asiatiques qui coévoluent depuis des centaines de milliers d'années avec ce frelon - en s'agglutinant sur l'intrus, elles l'étouffent et créent une « boule thermique » : la chaleur augmente jusqu'à 47 degrés et l'insecte est tué.
Hécatombe générale
En France, et en Europe, où il ne cesse de gagner du terrain, non seulement le frelon asiatique tue les abeilles, mais il les stresse en faisant le siège de leurs ruches. Résultat, «iI va y avoir de moins en moins d’abeilles qui vont aller récolter de la nourriture dans l’environnement. Elles vont rester à l’entrée de la ruche, sur la planche d’envol, pour défendre la colonie. Donc, il y aura de moins en moins de nourriture dans la colonie. La reine va également être stressée et va de moins en moins pondre. Tout cela concourt à entraîner la mort de la colonie. »
Mais les abeilles domestiques, déjà menacées par les pesticides utilisés en agriculture, ne sont pas les seules à faire les frais de cette grosse guêpe de 3 centimètres de long. L’hécatombe est générale dans la nature. Le frelon à pattes jaunes est un viandard généraliste et opportuniste. « Il peut très bien récupérer de la viande sur le cadavre d’un oiseau ou d’un petit mammifère,précise Eric Darrouzet. Il chasse tout ce qu’il peut trouver comme insectes. Une colonie de frelons, sur l’année, peut prélever en moyenne 11 kilos d’insectes. Si on prend l’exemple du département de la Manche, où 9 000 colonies ont été dénombrées en 2022, on arrive plus de 100 tonnes d’insectes prélevés par les frelons. »
30% de fruits en moins
Cent tonnes d'insectes tués en un an, rien que dans un département ! Imaginez les dégâts à l'échelle européenne, alors que depuis 1950, 75% de la biomasse des insectes ont disparu. Parce qu’après avoir colonisé la France (en gagnant 80 kilomètres par an), le frelon asiatique a conquis de nombreux pays d'Europe de l'Ouest. Les conséquences de cette invasion sont multiples, pour la biodiversité, mais aussi l'économie. « Le coût s’élève à des millions d’euros, évalue Eric Darrouzet. Le frelon impacte les activités apicoles, la production de miel. Il y a aussi l’agriculture : les frelons vont attaquer les fruits avant leur maturation, donc on a parfois des pertes de 30% sur la production. On a aussi des impacts sur l’activité de pollinisation des insectes pollinisateurs prédatés par les frelons, ce qui va impacter la reproduction des plantes et la production de denrées alimentaires par l’agriculture. » À l'échelle planétaire, le coût de toutes les espèces exotiques envahissantes (plantes et animaux) a été évalué à 27 milliards d'euros par an.
La question de la semaine
Sun, 19 May 2024 - 199 - Au secours de femmes et d'hommes, les animaux sont nos amis
Une baleine, des lions, un rat ou encore un singe... Voici quelques belles histoires où des animaux ont sauvé la vie d'êtres humains.
C'est l'histoire d'un jeune Américain, qui voulait en finir avec sa vie, et qui se jeta d'un pont, le Golden Gate Bridge à San Francisco, sur la côte ouest des États-Unis – l'endroit où on se suicide le plus dans le monde... Kevin Hines avait 19 ans, il sauta dans les eaux glacées de l'océan Pacifique, mais une masse surgit et l'empêcha de couler vers le fond. C'était un lion de mer, qui le maintint à la surface jusqu'à l'arrivée des secours humains.
Dans les mers et les océans, des animaux sauvent des vies humaines. En témoigne la biologiste Nan Hauser, qui avait l'habitude de nager près des baleines, ces gardiennes de la planète, pour étudier leur comportement. Un jour, une baleine à bosse, très tactile, s'est approché d'elle, l'a prise sous son aile, sous sa nageoire pectorale, et l'a entrainée plus loin. Le cétacé, connu pour son comportement altruiste avec d'autres animaux marins, voulait la protéger d'un requin tigre potentiellement menaçant.
La jeune fille et les lions
On peut aussi vous parler de Binti Jua, une femelle gorille du zoo de Chicago, aux États-Unis. Un enfant de 3 ans tomba dans son enclos, sur la tête. Le petit d'homme était inconscient. La guenon le prit dans ses bras, comme son propre petit, et l'apporta à la porte de l'enclos où les secouristes le prirent en charge.
En Éthiopie, c'est une fille de 12 ans qui fut sauvée, non pas dans un zoo mais en pleine nature. Sauvée des mains des hommes qui l'avaient enlevée pour la marier de force. Sauvée par des lions qui chassèrent les ravisseurs, alertés par les cris de l'adolescente. Les lions pourraient avoir pris les gémissements de la jeune fille pour ceux d'un lionceau.
Main tendue
On vous a déjà parlé icide Magawa, ce rat dressé pour repérer les mines antipersonnel au Cambodge, et qui a sauvé des dizaines de vies. Il y a deux ans tout juste, le président ukrainien Volodymyr Zelensky décorait Patron de la médaille du courage. Patron est un chien renifleur, un Jack Russel qui a détecté des centaines d'engins explosifs. Comme le chante l'artiste française Pomme, « les animaux sont nos amis / Et nous devons les protéger / Il faut agir dès aujourd'hui / Si nous voulons tous les sauver. »
Et puis, il y a cette photo célèbre d'un orang-outan tendant la main à un homme enfoncé dans une rivière sur l'île de Bornéo, en Indonésie. Comme si le singe lui venait en aide. Bon, en réalité, il lui réclamait à manger !
Sun, 12 May 2024 - 198 - Quand les animaux défendent leur territoire
De nombreuses espèces animales sont territoriales, pour se reproduire ou se nourrir. Elles émettent des sons ou des odeurs pour marquer leurs frontières et limiter la concurrence.
Un pigeon ramier roucoule tous les matins sous ma fenêtre, si possible quand je dors encore, non pas pour me faire profiter de ses talents vocaux (il y a largement plus doué chez les oiseaux) mais pour dire : « Ici, c'est chez moi » – alors qu'on est bien d'accord : ici, c'est chez moi ! Mais il ne s'adresse pas à moi, non, mais exclusivement aux individus de son espèce, à ses congénères. C'est la saison des amours, le pigeon fait son nid, et ce chant territorial vise à éloigner les autres pigeons.
Un territoire, c'est pour dormir, se reproduire et se nourrir. Dans la forêt amazonienne, les singes hurleurs, les plus grands singes d'Amérique du Sud, aussi, donnent de la voix. Leurs cris, de véritables concertos mesurés à 130 décibels, s'entendent à des kilomètres, amplifiés par une poche sous leur cou, pour qu'un autre groupe de singes hurleurs puisse les entendre et ne pénètre pas sur leur territoire. Les cris servent ainsi à éviter les conflits.
Guerres territoriales
En Côte d'Ivoire, dans le parc national de Taï, des scientifiques ont observé des chimpanzés prendre de la hauteur, au sommet des collines, pour épier et écouter les groupes rivaux, évaluer ainsi les forces en présence, et éventuellement faire un détour, éviter les frontières de leur territoire pour esquiver la confrontation. Mais la guerre est parfois inévitable, et une étude vient de montrer que les gorilles de l'Ouest pouvaient se battre jusqu'à la mort – trois morts en trois ans en Centrafrique.
Le territoire, c'est l'espace où on ne tolère pas d'autres membres de sa propre espèce, à part ceux de son clan. Sur le territoire d'un lion, il peut y avoir des hyènes, il y a des lionnes, mais pas d'autre lion. Et quand un lion dévore les lionceaux d'une bande rivale, il réduit ainsi le nombre d'adversaires potentiels lors de futurs combats territoriaux.
Jet d'urine ou coup de griffe
Chez les grands prédateurs, carnivores, comme le lion, on marque son territoire en y laissant sa trace, son odeur : un jet d'urine, une crotte, on se frotte contre un arbre, on le griffe. Quand un autre félin, le chat, se fait les griffes sur le canapé du salon, c'est aussi pour y laisser son odeur et marquer son territoire.
Tous les animaux ne défendent pas leur territoire, et pas tout le temps, mais on connait tous un animal soucieux de son espace vital : l'être humain. Il s'est peut-être civilisé au cours des millénaires, mais aujourd'hui encore, il se fait la guerre.
Sun, 05 May 2024 - 197 - Faire de la place aux animaux: une réserve naturelle à Paris
La darse du Rouvray, un bras du canal de l'Ourq, dans le quartier de La Villette à Paris, est devenu une zone interdite aux humains, un sanctuaire naturel réservée aux animaux qui y vivent et s'y reproduisent.
C'est une parenthèse naturelle en pleine ville, un bout de canal de 200 mètres de long, entre une rue du XIXe arrondissement de Paris et le parc de La Villette. La darse du Rouvray, une zone humide bordée de végétation sauvage, qui débouche sur le canal de l'Ourcq, est en passe de devenir une réserve de biodiversité interdite aux humains, depuis que la Ville de Paris est devenue, il y a un mois, propriétaire des lieux.
Amandine Sanvisens, cofondatrice de l'association Paz, Paris Animaux Zoopolis, se bat depuis plusieurs années pour la reconnaissance de ce site et des animaux qui y vivent, depuis qu'un couple de cygnes avait niché pas très loin de là – en plein confinement. Elle nous présente des habitués des lieux, un couple de foulques macroules, cet oiseau qu'on prend parfois pour un canard ou une poule d'eau, noir avec un bec blanc. « Il y a les petits qui viennent de naître, et tout à l’heure j’ai vu les parents qui leur donnaient à manger des plantes aquatiques. »
Une trentaine d'espèce d'animaux
Pour l'heure, l'un des foulques est occupé à enlever du nid un bout d'emballage plastique apporté par le vent ou directement jeté par un passant. « Ces déchets, c’est catastrophique,soupire la jeune femme. C’est vraiment triste, ce n’est pas acceptable. Chaque année on les voit construire leur nid sous l’immense figuier, et d‘ailleurs on s’est battu pour que ce figuier ne soit surtout pas coupé avec les travaux de La Villette. »
Le site compte plusieurs dizaines d'espèces végétales. Vingt-sept espèces d'animaux ont été observées. « Il y a aussi des cygnes, également des poissons, des perches ou des brochets, poursuit Amandine Sanvisens. Différents oiseaux, des martin-pêcheur... Il y en a qu’on voit plus ou moins parce qu’ils sont discrets, mais en tout cas on entend beaucoup d’oiseaux. » C'est le printemps, les mâles donnent de la voix.
Animaux liminaires
La darse du Rouvray abrite ce qu’on appelle des animaux liminaires, ni domestiques ni complètement sauvages, vivant aux côtés des humains. Et c'est donc pour eux que l’association Paz a obtenu de la mairie que le lieu devienne un sanctuaire naturel « un endroit fermé au public, où tout est pensé dans l’intérêt des animaux qui y vivent,précise Amandine Sanvisens.La végétation est préservée, et on peut envisager, pourquoi pas, de mettre d’autres végétations si c’est utile aux animaux, que ce soit pour construire les nids ou se nourrir. Il faut qu’on se dise que les animaux sont légitimes à vivre en ville, et que oui, il y a des endroits où on n’ira pas et où on fait de la place aux animaux. » Ce qu'on appelle, littéralement, un no man’s land. Paris abrite en tout 1 300 espèces d’animaux.
La question de la semaine
Sun, 28 Apr 2024 - 196 - Et si on tuait tous les moustiques ?
Paludisme, dengue, zika... Les moustiques sont les vecteurs de maladies parfois mortelles pour les humains. Le petit insecte piquant est responsable d'environ 800 000 décès par an. D'où l'idée récurrente d'éradiquer tous les moustiques de la planète. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
Vous avez très certainement déjà tué un moustique, sans doute guidé par votre instinct de survie, puisque le moustique – la femelle moustique – est l'animal le plus dangereux pour les humains : il provoque environ 800 000 morts par an. Alors peut-être qu'en écrasant entre vos mains l'un de ces insectes piquants vous êtes-vous demandé : et si on tuait tous les moustiques pour sauver des vies humaines ?
«C’est plutôt un fantasme d’éradiquer les moustiques de la surface de la Terre», répond Frédéric Simard, directeur de recherche à l’IRD, l'Institut de recherche pour le développement, basé à Montpellier dans le sud de la France.« On n’est absolument pas capable de cela. Les moustiques sont présents sur la planète depuis bien avant nous et ils y seront probablement encore après nous. » Les premiers moustiques sont apparus sur Terre il y a environ 250 millions d'années, quand notre plus lointain ancêtre, Homo habilis, a fait ses premiers pas il y a moins de 3 millions d'années.
Le moustique est écologique
En finir avec les moustiques serait surtout une mauvaise idée en raison des nombreux services écologiques que rendent les moustiques là où ils se trouvent, c'est-à-dire partout sur la planète, sauf en Antarctique et dans un petit pays insulaire, l'Islande. « Ils sont tout petits, mais ils sont très nombreux,rappelle Frédéric Simard. Ils sont une source de nourriture importante pour tous les insectivores, terrestres et aquatiques. Ils peuvent aussi, à l’âge adulte, contribuer à la pollinisation. Il faut savoir que les moustiques, mâles comme femelles, se nourrissent de sucre – ils vont butiner les fleurs. »
Les moustiques ont également un rôle souvent méconnu : ils filtrent l’eau. «Les larves qui se développent dans l’eau vont être un maillon initial de la dégradation des feuilles mortes qui tombent dans les flaques d’eau par exemple. Elles vont les réduire en bouille pour transformer l’azote organique en azote minéral et le rendre disponible pour les plantes. »
On connait 3 500 espèces de moustiques sur la planète, et seulement cinq ou six transmettent, malgré elles, des virus, comme la dengue, ou des parasites, comme le paludisme. Ces moustiques dangereux gagnent du terrain en raison de la mondialisation et du réchauffement climatique – en témoigne la très rapide colonisation de la France par le moustique-tigre, une espèce exotique envahissante.
Soigner le mal par le mâle
La chimie et l'utilisation d'insecticides ayant montré leurs limites (au fil de générations, les moustiques développent une résistance) et leurs effets négatifs sur les autres espèces animales (en frappant les insectes indifféremment), on a imaginé d'autres moyens de démoustication dans certaines zones habitées. L'IRD développe ainsi une technique pour provoquer la ponte d’œuf non fécondé. « On va stériliser les mâles en les exposant à une dose de radiation aux rayons X, comme si on leur faisait passer une radio», décrit Frédéric Simard. «Ça va détruire les spermatozoïdes, et ensuite on va lâcher ces mâles dans l’environnement pour qu’ils s’accouplent avec les femelles. »
Lors d’une expérimentation sur l’île de La Réunion, l’IRD a ainsi fait baisser de moitié la fertilité des moustiques. « La technique commence à marcher, mais nécessite du développement, de l'ingénierie. Il va falloir construire des usines de production de moustiques à grande échelle pour être capable de traiter des grandes surfaces », plaide Frédéric Simard. Ou comment soigner le mal par le mâle.
Sun, 21 Apr 2024 - 195 - Micropousses et fleurs comestibles: quand la nature a bon goût
Le Paysan urbain, une ferme nichée dans l'est de Paris, produit essentiellement des fleurs et de très jeunes feuilles de plantes destinées aux restaurants, des plantations particulièrement adaptées à l'agriculture urbaine.
Il n’y a pas que les abeilles ou les papillons qui se nourrissent de fleurs. Loïc Le Noan vient de se saisir d'une fleur et la porte à sa bouche. « Elle est en bouton, mais elle a déjà bien le goût de l'ail frit. C'est vraiment extraordinaire ! », s'enthousiasme le responsable de la culture des fleurs au Paysan urbain, cette ferme dans la ville située dans l'est parisien, à deux pas du petit cimetière de Charonne, dans le XXe arrondissement. La fleur que vient de déguster Loïc Le Noan est un tulbaghia, originaire d'Afrique du Sud, aux pétales mauves, qui a donc le goût de l’ail. « C'est l'une de nos fleurs phares. »
Mais elle n'est pas la seule des fleurs comestibles cultivées sur ce terrain de 6 500 m² et livrées à des restaurants de la capitale française. « Là, ce sont desprimula, les primevères,poursuit Loïc Le Noan. Plusieurs variétés de primevères sont comestibles, d'autres sont toxiques. Donc il faut faire très attention. Notamment dans la famille des apiacés, la famille des fenouils, on a la ciguë », la fleur qui empoisonna le philosophe de la Grèce antique Socrate, condamné à mort. « On n'a pas le droit à l'erreur ! »
C'est beau, c'est bon
La visite se poursuit dans l'herbe verte et grasse de ce début de printemps, où Paris, comme le reste de la France, a enregistré des records de pluie. « À cette époque de l'année, on va aller voir un peu plus loin, lesViola, les pensées. On cultive surtout celle à petites fleurs, parce que ce sont les petites fleurs qui intéressent, jusqu'à maintenant, les restaurateurs. Mais bon, après ça peut changer… »
Loic le Noan cueille une pensée violette. « Hop ! On la regarde, on la mange… La pensée n'est pas la fleur qui a le plus de goût, mais c'est soyeux sous le palais, c'est vraiment très agréable. Et surtout, c'est très beau. » C'est beau, c'est bon, et ça fait plein de couleurs – jaune, bleu, orange, rose ou pourpre – dans l'assiette comme dans ce petit coin de verdure parisien entouré d’immeubles, avec une mare et une prairie qui abritent des animaux du quartier. Il y a aussi un poulailler.
Cultures légères
La ferme se situe sur un réservoir d’eau. « Sous vos pieds, 80 centimètres en dessous, vous avez de l'eau non potable », précise Gérard Munier, co-fondateur du Paysan urbain, qu'il a lancé en 2020, en plein confinement, après avoir remporté un concours de la Ville de Paris qui souhaitait l'installation d'une ferme urbaine sur ce site. Mais pas question de faire pousser des patates ou des carottes – ici, on cultive léger. « Imaginer que l'agriculture urbaine puisse remplacer l'agriculture des champs et que les villes deviennent autonomes d'un point de vue alimentaire, c'est une hérésie totale », estime ce fils d’agriculteur.
« L'agriculture urbaine a surtout vocation à reconnecter les Parisiens avec la nature », dit Gérard Munier, qui a voulu que Le Paysan urbain s'intègre dans le quartier. On peut ainsi venir couper des fleurs, composer ses propres bouquets. Le Paysan urbain organise aussi des ateliers, accueille des scolaires. C’est enfin une entreprise de réinsertion sociale – sur les 35 salariés de la ferme, 23 sont en insertion.
Les deux premières feuilles
On passe à présent à l'intérieur, dans la grande serre de 600 m². « Je l'appelle la salle de bal parce que c'est une très belle serre », sourit Michel Bruneau, que tout le monde appelle Bruno, qui veille sur les micropousses, l'autre grand type de production du Paysan urbain.« Les micropousses, ce sont les deux premières feuilles, ou cotylédon, ou feuilles primordiales, d'une plante. On fait des semis de graines, et quand on est au niveau des deux premières feuilles, on les récolte avec une petite tondeuse, comme une tondeuse à barbe. »
Les micropousses sont cultivées à hauteur d'homme, dans dix centimètres de terre à peine, et c'est bien suffisant pour des plantes dont certaines sont récoltées au bout de huit jours. Le sol de la serre est blanc pour refléter le soleil, tandis que les cultures sont disposées sur des briques traversées par des tuyaux d'eau chaude, pour ne chauffer que l'essentiel en hiver et éviter la déperdition de chaleur.
Un concentré de goût
Radis pourpre, amarante, oxalis ou capucines, les feuilles des micropousses, vertes ou rouges, viennent agrémenter l'aissette des restaurants, comme les fleurs comestibles. « Comme dit notre parrain, Thierry Marx[à la tête du restaurant de la tour Eiffel], elles ont de la mâche, elles ont du goût. » Les feuilles des micropousses sont quatre à vingt fois plus concentrées en nutriments que celles d'une plante adulte.
Démonstration avec une micropousse de moutarde que croque devant nous Michel Bruneau : « Vous mettez en bouche, c'est ce qu'on appelle la mâche. Au début, il ne se passe rien, et d'un seul coup monte ce goût de moutarde, comme si vous aviez mis la cuiller dans le pot de moutarde. Et là ça peut faire un peu piquer les yeux ! » Les feuilles, les fleurs ont du goût. La nature a bon goût.
Sun, 14 Apr 2024 - 194 - Acidification des océans: une nouvelle limite planétaire bientôt franchie
L'effondrement de la biodiversité semble sans limites. Six des neuf limites planétaires, définies en 2009 pour désigner les seuils critiques au-delà desquels le vivant sur Terre est en danger (le changement climatique, la pollution, la biodiversité...), ont déjà été atteintes. L'acidification des océans devrait bientôt devenir la septième limite dépassée, avec des impacts non négligeables pour les organismes marins.
L'acidification des océans est une réaction chimique complexe et potentiellement mortifère. Quand les océans absorbent trop de CO2, les eaux deviennent plus acides. En deux siècles, depuis la révolution industrielle, le pH de l’océan a ainsi diminué de 30%, même si on est encore loin d'avoir atteint une eau acide (quand le pH supérieur ou égal à 7). Ce phénomène, aggravé par la hausse des températures, entraîne un vrai bouleversement pour la biodiversité marine.«Les animaux sont connus pour fonctionner selon une échelle de pH, précise José Zambonino, directeur de recherche à l'Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Dès que l’on s’éloigne trop de cette échelle, l’animal, d’un point de vue métabolique, va être obligé de faire des efforts plus importants qu’il ne le ferait dans des conditions normales, pour pouvoir vivre, se nourrir, se déplacer éventuellement, se reproduire… »
L'exemple du bar
Les animaux calcaires sont les plus vulnérables : les coraux, les mollusques ou le plancton à la base de la chaîne alimentaire. Mais les poissons ne sont pas épargnés, comme en témoigne une étude menée à l'Ifremer sur le bar. Une longue expérience en bassin a été conduite sur des bars pendant quatre ans et demi, de leur éclosion jusqu’à la maturité sexuelle. Le moment où l'animal est capable de se reproduire est survenu un mois plus tôt dans une eau plus acide. «Ça n'a l'air de rien du tout comme ça, sauf que là, il s'agit, pour un poisson vivant en zone tempéré, d'un phénomène qui intervient en hiver. Éclore un mois avant, pour des larves, cela veut tout simplement dire arriver à un moment où il y a beaucoup moins de choses à manger», explique José Zambonino. Résultat, une mortalité plus importante pour ces larves.
À écouter aussiC'est pas du vent : nous avons franchi 6 des 9 limites planétaires
Autre phénomène observé dans cette étude de l'Ifremer sur l'impact de l'acidification de l'océan sur le bar : le poisson devient plus vulnérable face aux prédateurs. «Ce CO2 plus important qui se dissout dans l'eau de mer se dissout aussi dans le sang du poisson, détaille José Zambonino. Cela va perturber en particulier ses capacités neurosensorielles. Vous allez donc avoir un animal qui, au lieu d'être craintif comme il doit l'être dans un milieu où il y a beaucoup de prédateurs, va perdre cette crainte et va se retrouver plus exposé.»Le bar est menacé. Et ce qui n’est plus dans la mer ne sera plus non plus dans notre assiette.
Sun, 07 Apr 2024 - 193 - La mésange et l’A69: comment un oiseau a interrompu un chantier d’autoroute
Des mésanges bleues ont commencé à nicher dans des platanes promis à l’abattage par la construction d’un nouvel axe routier controversé dans le Sud-Ouest de la France, vers Toulouse. Les autorités ont dû suspendre les travaux. Les arbres sont momentanément sauvés.
C’est bien le chant d’une mésange qu’on entend au milieu des grenades tirées par les gendarmes, dans une vidéo filmée par une militante écologiste opposée à la construction de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse, dans le sud-ouest de la France. C’est une mésange bleue qui annonce le printemps et la suspension du chantier dans le bois de la Crémade.
Ce petit oiseau jaune à la tête et aux ailes bleues, d’une dizaine de grammes, a fait plier une armada de pelleteuses, parce qu’un défenseur des arbres menacés par l’A69 a pu l’observer en train de fabriquer son nid dans un platane. Le préfet du Tarn a dû interrompre les travaux, en application d’une « loi de protection des espèces qui date de 1976 – avant, on faisait un peu ce qu’on voulait, relève Maxime Zucca, ornithologue et membre du Conseil national de protection de la nature, une instance consultée dès lors que la biodiversité est en cause. Et parmi les mesures prévues par la loi, il y a l’interdiction de détruire des nichées, des nids, des individus au printemps. Conséquence : pas de travaux en période de reproduction et pas de travaux dès que les nids ont commencé à être fabriqués. »
La mésange, un oiseau écologique
Mais l’abattage des arbres du bois de la Crémade, sur le chantier de l’A69, est seulement suspendu et d’ores et déjà prévu en septembre. « Dans ces gros arbres, poursuit Maxime Zucca, il y a aussi des chauves-souris qui les utilisent comme gîtes. Et il n’y a qu’entre septembre et octobre, quand les chauves-souris ne sont ni en reproduction ni en hibernation que l’abattage est possible. On a donc cette tendance à vouloir montrer qu’on fait moins mal. Certes, on va détruire tous les habitats, mais on va éviter de le faire au pire moment !»
La mésange a donc momentanément sauvé des arbres centenaires. L’oiseau a décidément un grand rôle écologique, lui qui se nourrit d’insectes, particulièrement gourmand des chenilles qui attaquent par exemple les feuilles des marronniers, qu’on voit jaunir prématurément, ou les chenilles de la pyrale du buis, une espèce invasive en France. « Beaucoup de chenilles qui peuvent abimer des récoltes sont consommées par la mésange bleue. C’est la raison pour laquelle on essaie de l’attirer dans les potagers ou les vergers, pour faire ce qu’on appelle une forme de lutte biologique », souligne Maxime Zucca.
200 arbres sacrifiés pour la voiture
Sur le chantier del’A69 momentanément suspendu, les mésanges vont nicher deux fois jusqu’à cet été - deux vagues de naissances. Et l’année prochaine, au printemps suivant, si les arbres sont coupés, que va-t-il se passer ? « Quand les mésanges vont chercher à nicher à nouveau, elles vont se rendre compte que leur territoire de nidification a disparu et il va leur falloir aller chercher de nouveaux sites de nid. Il faut trouver des arbres avec des cavités, des murs avec des trous, des anfractuosités. Ce ne sont pas toujours des habitats qui sont fréquents. Dans ce bois, il y a d’autres espèces, notamment la sittelle torchepot, qui est très sédentaire. Quand le bois va être coupé, elle ne va probablement pas trouver de nouvel habitat. C’est un individu qui n’arrivera plus à se reproduire. »
Un arbre, c’est de la vie, et pas seulement pour des mésanges. Pour faire rouler des voitures encore plus vite sur cette future autoroute, ce sont 200 arbres qui datent depuis plus d’un siècle qui doivent être abattus. Et même s’il est prévu de replanter 400 jeunes arbres, c’est un immense patrimoine qui risque de disparaître.
La question de la semaine
Sun, 31 Mar 2024 - 192 - Des animaux sans eau : comment affronter la sécheresse
Dans des milieux hostiles, secs et chauds, certaines espèces animales ont développé des stratégies pour faire face au manque d'eau. Des animaux ont même renoncé à boire !
Boire ou mourir, pourquoi choisir ? Quand la pluie manque, quand tout est sec, quand il n’y a rien à boire, on mange de l’eau. Des animaux peuvent se passer d’eau en avalant des feuilles, des plantes, qui contiennent de l’eau. C’est le cas, par exemple, de la gazelle des sables, dans la péninsule arabique, ou du koala, perché dans son eucalyptus, en Australie. Le petit marsupial a un régime alimentaire unique ; ce sont les feuilles d’eucalyptus qui lui permettent de s’hydrater.
En Australie encore, une terre décidément hostile, le diable cornu, qu’on appelle aussi moloch, un lézard couvert d’épines pointues, s’hydrate en mangeant des fourmis, mais aussi en s’aspergeant de sable humide. Ses épines forment un réseau de tout petits canaux qui conduisent de minuscules gouttes d’humidité jusqu’à sa bouche.
Produire sa propre eau
Au fil de l’évolution, des animaux se sont adaptés au manque d’eau. Le rat-kangourou, vraiment plus proche du rat que du kangourou, est un célèbre habitant de la vallée de la Mort, aux États-Unis, l’un des endroits les plus chauds et les plus secs de la planète. Ce rongeur pourrait mourir s’il buvait de l’eau. Il produit en fait sa propre eau, juste à partir de son alimentation, des graines sèches, grâce à un phénomène chimique d’oxydation dans son corps. En mangeant 100 grammes de graines, il peut produire 50 grammes d’eau. Ses reins sont aussi exceptionnels. La concentration d’urée, dans son urine, est six fois plus importante que chez l’humain. Le rat-kangourou pourrait boire de l’eau de mer.
Deux cents litres d’eau en trois minutes
La grenouille, elle, ne boit jamais d’eau, en tout cas pas par la bouche. L’eau lui est bien sûr essentielle pour se reproduire, pour ses œufs, mais c’est par la peau qu’elle s’hydrate. Quant au dauphin, il ne boit pas directement l’eau dans laquelle il vit. C’est bien par la bouche qu’il s’hydrate, mais grâce aux poissons qu’il avale.
Il y a enfin des animaux qui font des stocks. Les écailles de la peau d’un serpent, le crotale, retiennent la pluie, quand il pleut. Quant au dromadaire, grâce à ses estomacs qui mesurent 1 mètre de long, il peut boire, en trois minutes, 200 litres d’eau. Et tenir ainsi une dizaine de jours sans croiser, dans le désert, la moindre source d’eau.
Sun, 24 Mar 2024 - 191 - Le déclin des moineaux à Paris
Pourquoi ce petit oiseau pourtant très commun a-t-il perdu les trois quarts de ses effectifs en 20 ans dans la capitale française, selon la Ligue de protection des oiseaux (LPO) ? Réponse, alors que la journée mondiale du moineau aura lieu mercredi.
Ça piaille en bande. Des moineaux sont cachés dans un arbuste parisien. Mais on les entend de moins en moins. Philippe Maintigneux, de la LPO, nous a donné rendez-vous dans un jardin près de la gare de Lyon, « dans l'une des colonies les plus prospères de Paris, l'une des rares qui restent aujourd'hui », où des moineaux ont l'habitude de nicher – ils pondent et élèvent leurs petits sous la gouttière d'un immeuble.
« Le long de cette gouttière, décrit Philippe Maintigneux, « plus de 20 cavités sont occupées, et là, ce qu'on voit, ce sont les mâles qui sont à l'entrée des cavités, et qui disent : "Ici c'est chez moi, c'est ma cavité !'' Dans quelques jours, quelques semaines, on va les voir amener de la nourriture, d'abord pour la femelle qui va couver, et ensuite pour les jeunes. »
73% de baisse en 20 ans
Seulement voilà, ces cavités, dans Paris, se font de plus en plus rares. Résultat, depuis 2003, la population des moineaux a baissé de 73%, selon une grande enquête initiée il y a 20 ans notamment par Philippe Maintigneux et la LPO Île-de-France. « Il y a moins de plantes sauvages qui fournissent des graines, moins d'arbustes. Et puis les moineaux nichent dans des cavités, des trous d'aération, des fissures... Donc à chaque fois qu'on rénove tout ça, on leur enlève une possibilité de nidification. »
Des actions sont mises en place pour sauver le moineau parisien. La Ville de Paris a abandonné les pesticides dans les jardins publics, lancé des Quartiers moineaux, distribué des nichoirs. Suffisant pour enrayer le déclin ? En tout cas, la population de moineaux s'est stabilisée depuis quelques années.
Proches des humains
Dans quelques jours, après la journée mondiale du moineau, mercredi 20 mars, l'opération de comptage annuel de la LPO commencera dans 200 points d'observation, toujours les mêmes. Cette étude « estun bon outil pédagogique, parce que le moineau, sans ses arbustes à proximité, sans sa ressource alimentaire, ça ne tient pas. Donc c'est une bonne manière d'attirer l'attention sur la qualité du milieu qui les entoure. On explique assez bien ce qu'est un écosystème. »
La chanteuse Édith Piaf tient son nom du moineau, le « piaf » en argot parisien. En latin, le nom scientifique de l'espèce est passer domesticus, le moineau domestique. Un oiseau anthropophile. « Domestique veut dire : "Qui vit près des maisons" », précise Philippe Maintigneux. « À la campagne, on ne trouvera pas de moineaux en rase campagne, mais près des maisons, des fermes, dans les villages. On dit qu'il est commensal, c'est-à-dire qu'il partage sa table. Ici à Paris, il est tout à fait habitué à la compagnie de l'Homme, et l'Homme est habitué à la compagnie des moineaux. Il y a aussi quelque chose d'affectif dans le moineau à Paris. »
Sun, 17 Mar 2024 - 190 - Un scanner pour percer les secrets du sol
Un appareil mis au point par un chercheur français du Cirad permet d'observer dans la durée les multiples interactions de la riche biodiversité contenue dans la terre. Parce que tout ce qui se passe dans le sol a des effets en surface.
On ne le verra pas, puisqu'il est enterré. Il était pourtant l'une des attractions du Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, au dernier Salon de l'agriculture qui s'est achevé il y a une semaine à Paris : un scanner capable d'observer dans la durée les intenses activités que renferment les sols.
Le chercheur Christophe Jourdan, spécialiste des systèmes racinaires, nous présente son « bébé » : « Devant nous, on a une boîte, on y a mis du sol, des plantes (de la canne à sucre, du niébé, le haricot africain et du fonio, la plus petite céréale au monde, qu'on trouve en Afrique de l'ouest), et on a mis un scanner. » Oui, un simple scanner de bureau, rendu étanche, qui permet de voir ce qu'on ne voit jamais, sous nos pieds, dans la terre.
Des sols en bonne santé
À l'heure où la qualité des sols devient un sujet d'importance, parce qu'« on prend conscience qu'il faut avoir des sols en bonne santé pour avoir une bonne croissance des plantes », le Cirad profite du Salon de l'agriculture pour promouvoir son scanner qui devrait être développé prochainement par une start-up.
C'est aussi un outil pédagogique à destination du grand public. « C'est un super support de communication pour sensibiliser à la biodiversité des sols, à leur rôle », explique Emma Belaud, en première année de thèse au Cirad, face à l'écran d'ordinateur relié au scanner qui reproduit en accéléré les images enregistrées par l'appareil enterré. « Là, c'est le passage d'un ver de terre... Là, on a une animation qui montre la colonisation fongique d'une feuille morte, première étape de la décomposition... »
Une observation en continu
C'est la force de ce scanner, qui enregistre jour et nuit les images du sol, et permet une observation à distance et dans la durée. « Avant, on avait simplement l'excavation comme outil pour aller chercher les racines, pour mesurer, raconte le chercheur. On mettait des vitres dans le sol. Il n'y avait pas le coté non-invasif du scanner. La lumière arrivait, la faune du sol allait se cacher, partait, et je ne la voyais pas. Et je ne comprenais pas ce qu'il se passait entre deux dates. »
Le scanner, lui, permet d’observer les dynamiques ou les interactions entre des racines et des animaux, des racines et des champignons... Les applications sont multiples. « On regarde par exemple dans des milieux pollués pour voir comment les sols pollués peuvent être régénérés par la végétation. On l'utilise aussi en agroforesterie », détaille Christophe Jourdan.
La culture du mil au Sénégal
C'est le cas au Sénégal, où le Cirad s’interroge sur le rôle d’un arbre, le faidherbia(Acacia albida), ses racines et la faune souterraine, dans la production de mil. « Cet arbre a la particularité de perdre ses feuilles pendant la saison des pluies, au moment ou on plante le mil. On s'est aperçu que la production de mil est deux fois plus importante sous les arbres, voire trois fois dans certains cas. »
Dans quelle mesure, par exemple, les fourmis et les termites jouent-elles un rôle dans la décomposition de la matière organique ? Le scanner permettra de le comprendre.« Parfois les paysans me regardent avec un drôle d'air en disant : "Mais qu'est-ce que tu fais avec tes scanners ? Est-ce que ça va m'augmenter le rendement ?",sourit Christophe Jourdan. Le lien n'est pas immédiat, mais il faut comprendre ce qui se passe, montrer que c'est durable, que ça ne va pas apporter des maladies, davantage de termites... Il faut veiller à tout ça avant de plaider en faveur de l'augmentation de la densité des arbres dans le système. »Si les cultivateurs sénégalais de mil plantent davantage d'arbres, ce sera peut-être grâce à un simple scanner...
Sun, 10 Mar 2024 - 189 - L'ours polaire, témoin direct du réchauffement climatique
À terme, la fonte des glaces pourrait compromettre l’existence du plus grand prédateur de l’Arctique.
Il est le roi de la banquise. Mais son royaume, l’Arctique, est en train de fondre. La survie de l'ours polaire pourrait à terme être menacée, puisque son milieu naturel est en train de disparaître «à une vitesse importante : 90 000 kilomètres carré par an » (l'équivalent de la surface d'un pays comme la Jordanie), rappelle le biologiste Christian Kempf, l’un des grands spécialistes de l’ours blanc, qu’il observe et côtoie depuis 50 ans.
Tout en haut de la chaine alimentaire, l'ours polaire est le plus grand carnivore terrestre, grand nageur et grand voyageur solitaire. « Il est extraordinaire, s'enthousiasme Christian Kempf. Il est obligé de vivre dans un climat extrêmement froid. En pleine nuit polaire, en ce moment, il fait régulièrement moins 40 degrés Celsius, ou moins 50. Et avec l’effet refroidissant du vent, le ressenti est de moins 70, c’est énorme ! C'est aussi un environnement qui change tout le temps. Contrairement aux autres grands prédateurs, lions ou tigres, l'ours polaire ne peut pas marquer son territoire. Parce que la banquise bouge tout le temps.» L'Arctique est en effet un océan, contrairement à l'Antarctique, qui est un continent de terre.
Graisse de phoque
Outre ses capacités de résistance au froid, Ursus maritimus est doté d'un odorat exceptionnel, qui lui permet de repérer ses proies à plusieurs kilomètres. «Il a un odorat environ 60 fois meilleur que celui de l’homme, précise Christian Kempf. Il se met toujours un peu en hauteur, parce que dès qu’il y a un obstacle, les odeurs remontent. Et l’ours, sur un iceberg, il dort, il n’a l’air de rien, mais faites-moi confiance, quand une odeur de phoque lui passe dans les narines, il réagit tout de suite !»
Le phoque représente 95% de l’alimentation de l’ours polaire. Le phoque lui fournit la graisse nécessaire pour se protéger du froid. Un ours blanc mâle adulte peut peser jusqu'à 600 kilos, et la graisse constitue la moitié de son poids. Mais quand la banquise disparait, c’est son terrain de chasse qui rétrécit, les phoques se font plus rares...
La chasse, danger immédiat
Mais l’ours blanc se distingue aussi par ses importantes capacités d'adaptation, qui lui ont permis, dans le passé, de « surmonter trois périodes de réchauffement climatique ». Et pour la nourriture, il peut aussi s'adapter.
«Il y a notamment les cadavres de baleines, qui viennent s’échouer le long des côtes de l’Arctique. Il y a aussi les morses. Parfois, on le voit même, je l’ai vu à plusieurs reprises, brouter de l’herbe, ou manger des algues, raconte Christian Kempf. C’est un pur carnivore, mais quand il n’a pas de phoques, il prend autre chose !»
Il y a environ 20 000 ours polaires sur la planète, un chiffre relativement stable. Outre le réchauffement climatique, le péril vient de la pollution, qui peut les rendre stériles - 8% des ours blancs du Canada ne peuvent pas se reproduire. Mais ce qui menace directement aujourd’hui les ours blancs, c’est la chasse. « Il y a une chose qu’on peut faire demain, ou après-demain : un moratoire sur la chasse, suggère Christian Kempf. À la place de tuer 1 200 ours par an, pour l’exportation de la peau, pour les griffes, les dents, qui intéressent le marché asiatique, si on ne tuait que 500 individus, on aurait assez rapidement, en l’espace de 15 ans, 30 000 ours.»
À lire aussiUn groupe d’ours polaires découvert au Groenland pourrait survivre à la disparition de la banquise
Question de la semaine
Sun, 03 Mar 2024 - 188 - Chère jachère
À l'heure où s'ouvre à Paris le Salon de l'agriculture, gros plan sur les bienfaits de la mise au repos de champs agricoles, bénéfique pour les sols, la biodiversité et donc pour les paysans.
Elle était encore bien visible, et bien audible, la colère des agriculteurs français samedi 24 février à l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris. Depuis un mois, pourtant, le gouvernement tente de répondre à leurs doléances, ainsi que la Commission européenne, puisque le mouvement est européen, de la Pologne à l'Espagne. Bruxelles a ainsi assoupli l'obligation de mettre 4% des terres en jachère, une mesure entrée en vigueur le 1er janvier dernier pour que les agriculteurs puissent percevoir les aides de la PAC, la Politique agricole commune.
La jachère, le fait de laisser un champ sans culture pendant au moins un an, est presque aussi vieille que l'agriculture, et « fait partie du bon sens paysan », souligne Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement. Sous l'Antiquité déjà, on pratiquait la jachère, pour laisser la terre se reposer, se régénérer.
« Le sol est un grand composteur »
Si dans les années 1990, la Commission européenne imposait des jachères pour limiter la baisse des prix face à la surproduction agricole, il s'agit bien aujourd'hui de respecter un cycle vertueux. « Le sol est en fait un grand composteur », explique Cécile Claveirole, en charge de l'agriculture et de l'alimentation au sein de France Nature Environnement, qui dessine un cercle avec sa main pour illustrer « ce cycle infini où la nature sème une graine ; la graine va pousser, va faire des feuilles, des tiges, des racines qui vont venir se décomposer sur le sol. Dans ce sol, il y a beaucoup de toutes petites bêtes, des milliards de bactéries, de champignons qui viennent décomposer la matière. Cette matière organique sera la source d'une nouvelle vie la prochaine fois qu'il y aura des nouvelles graines qui vont germer dans le sol. »
Laisser un champ en jachère, c'est le laisser se reposer quand les cultures humaines épuisent ses ressources. Laisser le cycle de la vie naturelle reprendre son cours, laisser pousser « les mauvaises herbes qui n'en sont pas », le temps que la terre se régénère. La jachère a un autre avantage : un sol à l'état naturel, sans labour, c'est aussi un sol qui retient mieux l'eau de pluie. « L'eau va s'infiltrer doucement du fait qu'il y a de la matière végétale en surface, qui va amortir les gouttes de pluie qui tombent, précise Cécile Claveirole. Le sol est une éponge. Et quand il y a des racines dans le sol, de la matière organique en décomposition, l'éponge a un pouvoir absorbant de plus en plus fort, beaucoup plus fort que quand le sol est nu ou tassé. »
Pas de culture sans nature
La jachère est bonne pour la terre, bonne pour l'eau, et bonne aussi pour la biodiversité, puisque la mise entre parenthèses d'une monoculture permet le retour de la diversité florale, et donc de la faune, insectes et oiseaux. La nature est un équilibre. Les animaux sont des alliés naturels de l'agriculture, en s'attaquant aux parasites et autres nuisibles. « Deux études de l'Inrae, l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, ont montré d'une part que les pesticides tuent la biodiversité, et d'autre part, à l'inverse, que la biodiversité est indispensable pour se passer des pesticides », rappelle Cécile Claveirole.
C'est l'un des paradoxes de cette crise agricole : la remise en cause de normes environnementales qui protègent l'environnement, mais aussi la santé des agriculteurs et la qualité de leurs sols et de leurs produits. « Il ne devrait pas, il n'y a pas d'opposition entre la nature et la culture, entre la biodiversité et l'agriculture », conclut la vice-présidente de France Nature Environnement, Cécile Claveirole. Tout simplement parce que toutes les nourritures sont dans la nature.
Sun, 25 Feb 2024 - 187 - Quand les animaux font des stocks
Comment survivre l'hiver, quand la nature offre peu de nourriture ? Certaines espèces ont trouvé la parade, en faisant des réserves de nourriture, et c'est même parfois utile à la biodiversité.
Quand vient l'hiver, en climat tempéré, quand la nature se met en veille, les ressources alimentaires se font rares, et les animaux ont trois solutions pour subsister. Migrer : l'Afrique est une terre d’accueil pour de nombreux oiseaux européens. Hiberner, même si on vient de voir un ours des Pyrénées sortir de sa tanière en février, trompé par des températures trop douces. Troisième solution : constituer des stocks, des réserves de nourriture avant l'hiver.
Un animal est un grand spécialiste, à tel point qu'une banque française, la Caisse d’épargne, l'a choisi comme emblème. L'écureuil peut accumuler chaque automne plusieurs milliers de noix et de noisettes, des fruits à coques - coques en stock - cachés un peu partout. On a vu d’ailleurs des écureuils faire semblant d'enterrer des noisettes, pour tromper de potentiels voleurs. Parce qu'on s’espionne entre congénères…
Un oiseau plante des arbres
Spécialiste aussi des enterrements, le geai des chênes, est, comme son nom l’indique, grand amateur de glands, le fruit du chêne. Cet oiseau de la famille des corbeaux peut engloutir cinq ou six glands, avant d’aller les cacher dans la terre - jusqu’à 5 000 glands enterrés chaque année. Mais il a les yeux plus gros que le ventre. Il peut aussi en oublier, même si sa mémoire est remarquable. Alors ces glands abandonnés finiront par germer, et donneront des arbres. Le geai a un vrai rôle écologique. Il peut replanter, malgré lui, des forêts de chênes. Les fruits abandonnés ou oubliés par l'écureuil donneront, eux aussi, naissance à des arbres.
La taupe, elle, accumule des centaines de vers de terre, soigneusement rangés dans des garde-manger souterrains. Les chouettes et les hiboux cachent leurs proies, des rongeurs, dans les arbres - c’est l’hiver, elles se conservent, pas besoin de frigo.
Même les chiens enterrent leurs os
Sous d’autres climats, des animaux cachent aussi leur nourriture, mais pour d’autres raisons. Les crocodiles peuvent immerger leur proie dans l’eau pour attendrir la viande. Une espèce de belette d’Amérique centrale planque les bananes vertes, et attend qu’elles murissent.
Les chiens, vous l’avez peut-être remarqué, enterrent des os. Nos toutous tout bien nourris aux croquettes bio (oui, ça existe) n'ont pourtant nul besoin de faire des stocks. Mais voilà, c'est dans leurs gènes, du temps lointain où ils étaient des loups, pas encore domestiqués. La peur de manquer est inscrite dans leur ADN.
Sun, 18 Feb 2024 - 186 - Les légumineuses, à la santé des humains et du climat
À l’occasion de la Journée internationale des légumineuses, samedi 10 février, éloge d’une famille de plantes aux qualités nutritionnelles remarquables, dont la culture respecte l’environnement.
Vous en avez forcément mangé : pois chiches, pois bambara, petits pois, niébés, haricots, soja, lentilles, ou cacahuètes. Autant de graines, de fruits, produits par une même famille de plantes, les fabacées, plus connues sous le nom de légumineuses (ou légumes secs). Elles sont parmi les premières plantes que les humains ont domestiquées, et depuis 2016, « année des légumineuses », les Nations unies leur consacrent chaque 10 février une Journée internationale.
Les légumineuses possèdent un superpouvoir : elles sont capables de produire l’azote indispensable à leur développement. «Elles ont sur leurs racines des nodosités qui abritent un système bactérien qui permet de capter l’azote de l’air, parce qu’il y a de l’air qui circule dans le sol », explique Michel Duru, directeur de recherche, chargé de missions à l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, à Toulouse dans le sud-ouest de la France. « Elles ont la propriété de transformer cet azote neutre en azote réactif ; de l’ammoniac ou des nitrates dont les plantes ont besoin pour leur croissance.»
Pas de gaz à effet de serre
Il s’agit là d’un système gagnant-gagnant – une symbiose. La plante fournit de l’énergie à la bactérie, qui en retour lui procure l’azote. Les légumineuses n’ont donc pas besoin d’apport d’engrais pour pousser. Ce qui engendre moins de gaz à effet de serre que des cultures classiques. « En gros, il faut l’équivalent d’un litre de pétrole pour fabriquer un kilo d’engrais. De plus, quand on épand cet engrais chimique, une partie se volatilise sous forme de protoxyde d’azote qui a un pouvoir de réchauffement global 320 fois supérieur au gaz carbonique», précise Michel Duru.
Bonnes pour la santé de la planète, les légumineuses sont bonnes aussi pour la santé des humains. Elles contiennent autant de protéines que la viande, le poisson ou les œufs. Elles sont aussi riches en fibres et en antioxydant. Seul bémol, un déficit en acides aminés qu’on peut résorber en associant une légumineuse à une céréale. Par exemple : un plat de pois chiches et couscous, ou des lentilles et du riz.
Un aliment d’avenir
Malgré toutes ces qualités, la consommation de légumineuses a drastiquement diminué en Europe, au XXe siècle, au profit de la viande, ce signe extérieur de richesse, riche en émissions de CO2. Face à la crise climatique, les légumineuses ont quelques atouts. En France, «on mène actuellement des tests pour cultiver des légumineuses qu’on trouve en Afrique,relève Michel Duru. C’est quelque chose qui commence à germer : l’idée de prendre en compte les savoir-faire africains et notamment les espèces et les variétés qui sont adaptées à des climats beaucoup plus secs et chauds que celui que nous avons, que nous allons donc avoir dans le futur.» Le monde est en train de changer, l’alimentation aussi.
Sun, 11 Feb 2024 - 185 - Naissance d'une zone humide
Vendredi 2 février, c'était la journée mondiale des zones humides. Ces réservoirs de biodiversité sont en péril face aux activités humaines et au changement climatique. Rediffusion d'un reportage réalisé au printemps 2023 en région parisienne où une association de protection de la nature a créé un réseau de mares pour les amphibiens, grenouilles et autres tritons.
(Rediffusion du 4 juin 2023)
C'est une jolie clairière, ensoleillée ce jour-là, parsemée de taches jaunes et mauves – les fleurs des genets et des jacinthes des bois. Le chant des oiseaux n'est troublé que par des bruits de pelle. Ici, à Dourdan, en région parisienne, en lisière de forêt, on creuse sur un terrain qui appartient à la SNPN, la Société nationale de protection de la nature, la plus ancienne association environnementale française, créée au 19e siècle. Quelques volontaires, Ahmed, Camille, ou Théo, sous la houlette de Marguerite Nielen, à l'origine de ce projet, sont venus donner un coup de main, ou plutôt des coups de pelles, pour créer une mare.
Les mares font partie de ce qu'on appelle les zones humides, au même titre que les lacs, les mangroves ou les tourbières. Les zones humides, qui occupent 6% de la surface de la Terre, accueillent 40% des espèces de plantes et d'animaux, mais disparaissent trois fois plus vite que les forêts, selon les Nations unies, à cause des activités humaines et du réchauffement climatique. «À l'échelle mondiale, on a des zones humides qui sont vraiment en détresse, et notamment en France où plus de 50% des zones humides ont disparu, explique Fanny Mallard, écologue à la SNPN. L'idée, en créant une mare, c'est de permettre à la biodiversité, aux espèces comme les amphibiens, grenouilles ou tritons, de pouvoir se déplacer d'une mare à une autre, trouver refuge, trouver de la nourriture, se reproduire et faire tout leur cycle biologique. »
À écouter aussiBiomimétisme : le vivant est inspirant
De l'eau pour les grenouilles... et les chevreuils
Un quart des amphibiens, en France, sont menacés de disparition. Avec la répétition des sécheresses, les populations d'amphibiens sont en péril puisque sans eau, il leur est impossible de se reproduire. Alors ici, on va créer trois mares, en tout, de 1m20 de profondeur, qui seront remplies par l'eau de pluie. « Il s'agit de laisser la mare se faire naturellement, poursuit Fanny Mallard.La colonisation par la faune et la flore doit se faire de manière naturelle, donc on ne va rien planter. Si on a, par exemple, une espèce exotique envahissante, là, on interviendra pour remettre le milieu dans la bonne trajectoire naturelle, pour que le milieu puisse s'exprimer le mieux possible, de façon naturelle. »
Encore des coups de pelles, et ce sera bientôt fini pour extraire au total près de 20 mètres cubes de terre. Tout se fait à la force des bras et personne ne ménage ses efforts sous le soleil printanier. « On veut éviter d'apporter des grosses machines et de déranger les chevreuils qui étaient là en train de se reposer ce matin quand on est arrivé », raconte Natacha Lemoine, chargée de projet Zones humides à la SNPN. La mare ne profitera pas qu'aux grenouilles... C'est peut-être une goutte d'eau – mais l'eau, c'est la vie.
À écouter aussiEn 2023, quelques bonnes nouvelles pour la biodiversité
Sun, 04 Feb 2024 - 184 - L’okapi, le discret trésor de la RDC
La République démocratique du Congo est le seul pays au monde à abriter l’okapi. L’animal, mi-girafe mi-zèbre, rare et timide, est une espèce en danger menacée par les activités humaines illégales.
Les Congolais ont sûrement vu plus d’okapis sur leurs billets de banque que dans la forêt. L’animal est si rare et si discret que ceux qui ont pu le croiser dans les forêts tropicales d’Ituri, dans le nord-est du pays, où l’espèce est endémique, sont des privilégiés.« Je suis chanceux, reconnaît Berce N’Safuansa, qui gère le projet okapi de l’ONG Wildlife Conservation Global au sein de la Réserve de faune à okapis, créée en 1992 et inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco cinq ans plus tard.C’est fantastique, vous ne pouvez pas imaginer l’enthousiasme qu’on a d’être en face d’un okapi !»
Et pour cause ! Avec sa tête de girafe (il est, avec la girafe, l’une des deux seules espèces encore vivantes de la famille des giraffidés), son corps d’antilope, les pattes avant et l’arrière-train rayés noir et blanc comme un zèbre, et son coup de langue phénoménal (40 centimètres de long), l’okapi est un animal plein de mystères, quasi mythique, surnommé parfois la licorne africaine.
Unique, rare et irremplaçable
Unique au Congo-Kinshasa, mondonga (okapi en lingala) n’a été découvert par un explorateur européen qu’à la toute fin du 19ᵉ siècle. En 1901, il est scientifiquement nommé Okapia johnstoni. Il s’agit d’un des trois derniers mammifères recensés dans le monde. Mais depuis bien longtemps, l’okapi était connu des populations locales. «Ici, nous avons par exemple la communauté locale des Mbuti, les Pygmées : pour elle, l’okapi représente un ami de leurs ancêtres. C’est donc un animal qu’il faut protéger, qu’il ne faut pas tuer pour sa viande ou pour un quelconque besoin», explique Berce N’Safuansa.
L’okapi tient une place à part parmi la riche faune qu’abrite le Congo-Kinshasa. «C’est un animal d’une importance capitale,poursuit Berce N’Safuansa, à cause de la valeur exceptionnelle et universelle qu’il représente : une espèce unique, rare, irremplaçable, qui ne vit à l’état sauvage qu’en République démocratique du Congo.»
Braconniers et miliciens
Si rare que l’espèce est menacée : en danger, selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).« Dans un avenir proche, prédit Berce N’Safuansa, cette espèce se retrouvera dans la catégorie probablement la plus élevée, le risque d’extinction, avec des effectifs en baisse.»
Les principaux prédateurs de l’okapi ? Les léopards et les humains. L’habitat naturel du ruminant est chaque jour menacé par les activités humaines illégales. Berce N’Safuansa pointe «les braconnages armés, en quête de la peau de l’okapi, de sa viande, de sa graisse, de ses os, tellement recherchés aujourd’hui sur le marché noir. À cela, il faut ajouter la perte des habitats naturels ainsi que la présence de groupes de milices et de mineurs illégaux dans et autour de la réserve.»
Les milices armées qui sévissent dans la région n’épargnent personne, ni les okapis ni les humains. Il n’existe pas de recensements récent et scientifique de la population d’okapis, compte tenu des difficultés du terrain et de la grande discrétion de cet animal solitaire. On estime seulement qu’il ne reste, à l’état naturel, que plusieurs milliers d’okapis.
Sun, 28 Jan 2024 - 183 - Biomimétisme : le vivant est inspirant
La nature est ingénieuse, grâce à de milliards d'années d'évolution, et les humains s'inspirent de plantes et d'animaux pour concevoir ou améliorer des produits.
Vous les avez peut-être remarquées, en vous promenant dans la nature, en marchant dans les herbes hautes, ces petites boules piquantes qui s’accrochent à vos chaussettes, aux lacets de vos chaussures, ou même à vos jambes poilues... Ce sont des fruits, et c’est comme ça que certaines plantes font voyager leurs graines pour aller coloniser d’autres territoires : en s’agrippant aux poils des animaux. Ces petits fruits piquants, un ingénieur suisse les avaient remarqués sur son chien, au début des années 1940. Il s’agissait des fruits d’une plante, la bardane, et c’est en les examinant au microscope, en découvrant que chaque épine se terminait par un crochet, qu’il avait inventé le velcro, les scratchs, ces fermetures éclair sans fermeture éclair.
C’est le biomimétisme, quand la nature ingénieuse, grâce à des milliards d’années d’évolution, inspire les humains...
En étudiant le vol des oiseaux, leurs ailes, Léonard de Vinci avait, dès le XVe siècle, posé les bases de l’aéronautique. Plus tard, fin XIXe, un ingénieur français, Clément Ader, faisait voler le premier avion, qui ressemblait à une chauve-souris. Le train à grande vitesse du Japon, le Shinkansen, est célèbre pour son nez, la locomotive de tête, qui s’étire comme le bec long et fin d’un oiseau, le martin-pêcheur, capable de fendre l’eau sans bruit, sans éclaboussure. Ce fut la solution trouvée face aux changements de pression à l’entrée des tunnels qui provoquaient des nuisances sonores. Le train au bec d’oiseau y a aussi gagné en vitesse et en économie d’énergie. 20 % d’énergie produite en plus aussi pour des éoliennes, grâce à leurs pâles dentelés, semblables aux nageoires des baleines à bosse, si agiles malgré leur poids.
Requin, lotus et termitière
Les nageurs, qui ont des palmes comme les canards, vont aussi plus vite grâce à une combinaison qui copie la peau des requins, lisse en apparence, mais munie de millions d’écailles microscopiques. Le requin mako peut ainsi dépasser les 50 kilomètres-heure. Il y a aussi l’effet lotus : les feuilles de la plante aquatique ressemblent à la peau des requins : des micro-aspérités empêchent l’eau de pénétrer ; le lotus est hydrophobe, et les gouttes qui roulent à sa surface ont une fonction autonettoyante, pour que la photosynthèse soit parfaite.
Au fil de l’évolution, les êtres vivants s’adaptent à leur milieu ; la nature est un laboratoire de recherche permanent. On fabrique des vêtements chauds inspirés de la fourrure des ours polaires.
La climatisation d’un immeuble d’Harare au Zimbabwe a été conçue en prenant modèle sur des termitières. Une colle superglue est composée d’une molécule présente dans la bave d’escargot. Les aiguilles, en médecine, prennent la forme de la trompe des moustiques, qui piquent sans qu’on s’en aperçoive.
Sun, 21 Jan 2024 - 182 - Éléphants, lions, guépards... D'où viennent les animaux de la CAN?
Des Lions de l'Atlas aux Éléphants de Côte d'Ivoire, en passant par les Aigles du Mali et les Guépards du Bénin, pourquoi la majorité des sélections nationales de foot en Afrique ont-elles pour emblème des animaux ?
La logique a été respectée en ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations de football : les Éléphants de Côte d’Ivoire ont battu 2 à 0 les Lycaons de Guinée-Bissau. Le lycaon, ce chien qui ressemble à une hyène, qui chasse en meute, ou en équipe, qui a d’ailleurs totalement disparu de la Guinée-Bissau (il n’en reste que quelques milliers dans toute l’Afrique), ne pouvait, sur le papier, ou la balance, faire le poids face à l’animal terrestre le plus lourd de la planète, l’éléphant.
Six équipes de foot africaines sur dix ont pour emblème un animal, parce que l'Afrique abrite quelques-unes des espèces les plus charismatiques, à commencer par le lion. Trois pays se sont choisis comme emblème le roi des animaux, dans l'espoir d'être les dieux du stade : le Cameroun, et les Lions indomptables, le Maroc et les lions de l'Atlas, une sous-espèce disparue à l'état naturel, et le Sénégal, avec les Lions de la Teranga. « Par sa crinière, le lion impose la respectabilité. Il vous fait peur,souligne le journaliste Rémy N’Gono, consultant à Radio Foot Internationale. Quand les Sénégalais entrent dans un stade, ils agissent comme des lions : ils se jettent sur la proie. Ils ont faim. Ils ont envie de te dévorer ! »
Des animaux puissants
Les félins, superprédateurs, se taillent d’ailleurs la part du lion. « L’animal représente souvent la puissance dans les totems. Prenez le léopard du Zaïre de Mobutu Sese Seko. Il avait décidé que ce serait et son emblème et l’emblème de l’équipe nationale », rappelle Rémy N’Gono. « Dans le choix d’un emblème, précise le sociologue du sport Patrick Mignon, il y a quelque chose qui relève de ce qu’on va penser être un consensus sur une représentation de soi ; quel est, effectivement, l’animal sur lequel on va pouvoir trouver un accord qui satisfera tout le monde. À partir de là, c’est aussi une image qu’on renvoie à l’adversaire. »
La force tranquille des Zébus de Madagascar, le mordant des Scorpions de Gambie, ou la puissance des Étalons, l’animal symbole du Burkina Faso… On choisit un emblème, lié à son pays, pour ses qualités physiques. « En Afrique, il y a des animaux qui sont beaucoup respectés, mais qu’aucune équipe ne peut prendre comme nom ou comme sobriquet. Par exemple : la tortue. Tout le monde te dira en Afrique que c’est l’animal le plus intelligent. Mais le football représente un combat, donc à partir de cet instant, on cherche celui qui peut avoir la force de pouvoir gagner, pas par la ruse, mais par la détermination, l’endurance, le côté physique »,explique Rémy N’Gono.
La loi de la jungle sur la pelouse
Trois pays ont choisi l'aigle : la Tunisie, le Nigeria et le Mali. Mais que dire alors des Hirondelles du Burundi ? L’an dernier, le Bénin a officiellement changé de nom. Les Écureuils sont devenus les Guépards. Ce qui fait sourire Rémy N’Gono : « Dans la forêt, où les fauves sont là, l’écureuil est sur des branches en train de chercher des noix de palmistes. Mais qu’est-ce que l’écureuil peut gagner ? Du coup,[les Béninois]se sont dit : nous allons devenir des guépards. Mais vous le savez très bien : l’âne a beau changer de nom, il restera toujours un âne ! ». Malgré son nouveau surnom, le Bénin ne s'est pas qualifié pour cette Coupe d'Afrique des nations. À l'avant-dernière CAN, en 2019, les Lions de la Teranga se faisaient battre en finale par les Fennecs, les renards rusés du désert algérien. La loi de la jungle n'est pas toujours respectée.
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Sun, 14 Jan 2024 - 181 - Les chiens font du bien
La présence d’animaux de compagnie, chiens ou chats, a des effets bénéfiques sur la santé des humains, notamment les plus âgés. Reportage dans un hôpital parisien avec une petite chienne nommée Gipsy.
Elle trottine fièrement dans les couloirs de l’hôpital Vaugirard Gabriel-Pallez Assistance publique-Hôpitaux de Paris, bandana autour du cou aux couleurs de Parole de chien, l’association qui organise des visites un peu particulières dans des établissements de santé. Gipsy, une chienne de 8 ans, à l’œil tendre et malicieux, de race jack russell, pelage blanc et tête marron, vient toutes les deux semaines visiter des malades à l’unité de soin longue durée de l’hôpital Vaugirard, accompagnée de sa maîtresse Aurélie Belot.
« Gipsy ! Allez, saute ! Voilà ! » Gipsy vient de sauter sur le lit ; c’est parti pour vingt minutes de « canino-thérapie » avec Michèle Barrière, une femme de 83 ans. « Bonjour ma chérie, tu vas bien ? Quel accueil, c’est trop mignon… » Les retrouvailles entre la petite chienne et la résidente de l’hôpital se font à coups de langue : Gipsy lèche allègrement la main de Michèle Barriere, et elle continuera pendant de longues minutes. Quand les caresses des chiens remplacent les bisous des petits-enfants qu’on voit moins souvent... « Vous savez, la famille, on n’en a pas des masses. Venir voir la grand-mère à l’hôpital, ce n’est pas tellement rigolo. On a de temps en temps une visite, on a des petits coups de fil, évidemment, mais voilà, quoi… », soupire la vieille dame.
Câlins canins
Alors les câlins canins, évidemment, ça fait du bien. « Vous voyez, on s’aime beaucoup. Hein, mon trésor ? Dès qu’elle me voit, elle me lèche les mains, comme ça. Elle n’arrête plus. Elle est très attachante. Ça me fait plaisir, parce que c’est un signe d’amitié, d’amour, quelque chose d’agréable, de doux, de chaleureux. Un bienfait. Et puis, elle le fait avec le cœur, ça fait plaisir, ça fait vraiment plaisir. Hein, ma Gipsy ? »
La visite de Gipsy, c’est aussi la visite d’Aurélie Belot, c’est aussi une présence humaine. À quelques jours de Noël, la conversation glisse sur le calendrier de l’Avent que la jeune femme a offert à sa chienne – chaque jour, une petite récompense.
« Elle mange du chocolat ?,demande Michèle Barrière.
– Non, c’est pas bon pour les chiens, donc c’est plutôt des croquettes au saumon.
– Ah ben c’est pas mal, dis donc, tu manges du saumon ?
– Ah oui, elle mange du saumon !
– Ben nous on n’en a pas. Nous on a du colin, tu vois, c’est pas pareil quand même ! »
Les yeux qui pétillent
Aurélie Belot avait adopté Gipsy quand elle avait un an. « Les jack russell ne sont pas réputés pour être des chiens doux et câlins, mais plutôt speed. Mais j’ai toujours trouvé qu’elle avait quelque chose de particulier avec les humains, et j’ai toujours eu cette idée d’aller voir des personnes âgées avec elle. » Une rencontre avec Parole de chien fera le reste. L’association, fondée en 2002 sélectionne et forme chaque année des maîtres bénévoles et leur chien pour visiter des personnes âgées dans des hôpitaux et des maisons de retraite.
À l’hôpital Vaugirard, les visites continuent. Gipsy est attendue à présent dans la chambre d’Eliane Parfait, hospitalisée depuis deux ans. Une photo de Gipsy, encadrée, trône à côté de son lit. L’ancienne danseuse au « corps fatigué », dit-elle, a 93 ans. « Il ne me reste plus longtemps, en fait. » Autour d’elle, on proteste : « Oh non, ne dites pas ça ! » Gipsy continue ses câlins. « Et l’autre qui me lèche, qui me lèche… Ça me fait du bien. Les infirmières me le disent : "On voit que Gipsy est venue parce que vous avez les yeux qui pétillent !" »
Du bien au cœur et au corps
Aurélie Belot confirme les effets très bénéfiques de la zoothérapie :« Il y a quinze jours, c’était assez drôle, parce que quand j’ai voulu venir, il y avait déjà la visite des médecins. Je rentre dans la chambre et je dis que je repasserai plus tard, c’est pas grave ! Et là, ils m’ont dit : "Non, non, non, on s’en va, on s’en va !" »De nombreuses études scientifiques ont montré les bienfaits des animaux de compagnie sur la santé des humains, notamment les plus âgés, sur leur cœur et leur corps : moins de stress, de tension artérielle, un effet sur la mémoire… La présence d’un chien ou d’un chat, c’est de l’espérance de vie en plus. « C’est triste à dire, mais je n’aime que les animaux finalement. Les hommes, c’est fini ! Depuis longtemps ! », lance Eliane Parfait dans un éclat de rire. La visite de Gipsy lui a redonné le sourire. Elle a les yeux qui pétillent.
Sun, 07 Jan 2024 - 180 - En 2023, quelques bonnes nouvelles pour la biodiversité
Finissons l'année sur une note optimiste et saluons quelques informations positives pour les plantes et les animaux.
En cette fin d'année, on a décidé de faire l'autruche et de mettre la tête dans le sable pour oublier toutes les mauvaises nouvelles de 2023, l'année la plus chaude jamais observée. Près de 400 millions d'hectares sont partis en fumée sur toute la planète. Un terrain de foot de forêt tropicale est détruit toutes les cinq secondes. Plus de 44 000 espèces de plantes et d'animaux désormais menacés d'extinction – 2000 de plus que l'an passé. Non, vraiment, pour finir l'année, on voudrait juste voir (et boire) le verre (de champagne) à moitié plein.
Parce qu'il y a quand même eu des bonnes nouvelles cette année ! Le premier traité mondial sur la protection de la haute mer a été adopté, avec la création d'aires marines protégées. Douze milliards de dollars seront mobilisés d'ici 2030 pour restaurer et protéger les coraux, qui abritent plus du quart de la biodiversité marine. En Nouvelle-Calédonie, dans l'océan Pacifique, les requins et les tortues ont désormais le statut d'entité juridique, pour être défendus devant les tribunaux.
Oryx et rhinocéros
Partout, des espèces animales sont sauvées. L'oryx algazelle avait disparu du Tchad à l'état naturel à la fin du siècle dernier. Mais grâce aux efforts de réintroduction, on compte aujourd'hui une population sauvage de plusieurs dizaines d'individus. Cette espèce d'antilope aux immenses cornes n'est plus aujourd'hui une espèce menacée de disparition, selon la Liste rouge de l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature. La population de rhinocéros est en hausse de 5 % en Afrique, même s'il n'en reste qu'un peu plus de 25 000 – il y en avait près de 500 000 il y a un siècle. En Indonésie, un rhinocéros de Sumatra est né alors que son espèce compte moins de 100 individus.
En Indonésie encore, un des très rares mammifères qui pond des œufs a été observé par une expédition scientifique pour la première fois depuis plus de 60 ans : l'échidné à bec courbe. En France, ce sont deux chatons et leur mère qui ont été filmés dans la nature, mais pas n'importe quels chatons : deux petits lynx, des naissances exceptionnelles chez cette espèce qui avait totalement disparu il y a plus d'un siècle. En Corse, le chat-renard, connu des bergers depuis des siècles, est officiellement identifié comme une nouvelle espèce de félin.
Chien et mammouth
Le houx de Pernambouc, un arbre qu'on pensait disparu depuis 185 ans, a été redécouvert au Brésil, dans la banlieue de Recife, au milieu de six millions d'habitants... Des arbres, on en a planté beaucoup et partout. 240 000 arbres, par exemple, sur l'île de Pâques. Sinon Bobi est mort à l'âge de 31 ans au Portugal, il était le plus vieux chien au monde. Sachez enfin qu'une entreprise australienne a fabriqué cette année une boulette de viande à partir de l'ADN d'un mammouth – là, on n'est pas sûr que ce soit une bonne nouvelle...
Sun, 31 Dec 2023 - 179 - Kina et Yuk, des renards polaires face au réchauffement climatique
Le film Kina et Yuk, renards de la banquise, au cinéma le 27 décembre, est un conte de Noël sur un couple de renards d'Arctique et leurs amours contrariées par la crise climatique.
Vivre d’amour et de neige fraîche, c’est le destin de Kina et Yuk, deux renards polaires, dont les aventures sont projetées sur grand écran à partir du mercredi 27 décembre, dans les cinémas français, belges, néerlandais ou espagnols. Kina et Yuk, renards de la banquise est un conte de Noël au temps du réchauffement climatique, raconté par la comédienne Virginie Efira, réalisé par Guillaume Maidatchevsky, auteur de plusieurs longs-métrages de fiction animale, avec, dans les rôles titre, deux renards polaires, Kina la femelle et Yuk le mâle, nés en captivité parce qu’au cinéma, on ne prélève pas d’animal dans son milieu naturel pour en faire un acteur.
« Ça commence par des jeux. On se réchauffe, on se taquine... On est seul au monde, comme peuvent l’être ceux qui s’aiment », décrit la voix off de Virginie Efira sur des images superbes de neige et de glace tournées dans le Grand Nord canadien. Pour Kina et Yuk, dont la fourrure blanche permet de se fondre dans le paysage, c’est le temps de l’insouciance, de l’amour. « Et chez les renards polaires, l’amour, c’est pour la vie. » Le couple attend un heureux événement. Et la fidélité a son utilité ; le père est un vrai père. « Le mâle est vraiment présent du début à la fin pour nourrir la femelle, chercher des proies et les lui ramener pour qu’elle n’ait pas à trop sortir, parce qu’elle a en moyenne neuf à douze petits par portée », détaille le réalisateur Guillaume Maidatchevsky, biologiste de formation.
Renard à la dérive
« Ça se confirme, il fait trop chaud, raconte Virginie Efira alors qu’on voit à l’écran banquise et glaciers fondre comme neige au soleil. La glace devrait encore pouvoir tenir à cette période de l’année. C’est la débâcle ! » Le réchauffement climatique est à l’œuvre et, sous les yeux du spectateur, la banquise se brise. Kina et Yuk sont séparés. Une histoire vraie à l’origine, dont s’est inspiré Guillaume Maidatchevsky : un renard polaire isolé sur un morceau de banquise à la dérive avait été sauvé par des pêcheurs canadiens.
En attendant, dans le film, Yuk est bien seul et impuissant sur son petit morceau de banquise, et c’est un drame pour Kina, qui attend des petits, sans le soutien de son compagnon. La voilà chassée de son terrier par un renard roux. À la recherche de nourriture, la jeune femelle se réfugie en ville. « Sous l’effet du réchauffement climatique »,explique Guillaume Maidatchevsky, « le nord est beaucoup plus chaud, donc notre renard roux qui vit dans le sud monte là-haut et mange toute la nourriture du renard polaire, qui lui est obligé de se délocaliser. Et c’est aussi ce que font les ours polaires. On a de plus en plus d’ours polaires qui vont dans les villes ; ils n’ont rien à faire dans les villes !Ursus maritimus, comme son nom l’indique, est un animal marin. On voit malheureusement en Arctique de plus en plus d’ours polaires dans les décharges en train de chercher à manger. »
L’Arctique fond deux fois plus vite
Kina et Yuk sont des exilés climatiques, et le film de Guillaume Maidatchevsky est un conte écologique qui s’adresse à des enfants et à leurs parents. « Je suis juste un réalisateur, je mets en scène la nature »,témoigne le cinéaste. « Et si vous avez ressenti une émotion, j’espère que vous aurez envie de protéger cette émotion, sachant que là-haut, l’Arctique fond de deux à trois fois plus vite, le réchauffement climatique y est deux fois plus rapide qu’ailleurs sur la planète. Donc, l’Arctique est un vrai laboratoire de ce qui est en train de nous arriver. »Kina et Yuk, séparés par la crise climatique, vont-ils se retrouver ? On ne dévoilera pas la fin... mais les contes, à Noël, sont généralement plus gais que la réalité climatique.
Sun, 24 Dec 2023 - 178 - La mort douce annoncée des poissons d’eau douce
L’Union internationale pour la conservation de la nature a publié cette semaine sa nouvelle Liste rouge des espèces menacées, avec un chiffre choc : 25 % des espèces de poissons des lacs et des rivières risquent de disparaître.
Les Listes rouges de l’Union internationale pour la conservation de la nature se suivent et sont de plus en plus rouges. L’UICN a publié lundi 11 décembre sa nouvelle Liste rouge mondiale des espèces menacées, et l’accent est particulièrement mis cette année sur le sort des poissons d’eau douce, alors que l’UICN vient d’achever sa première étude mondiale sur l’état des populations des poissons qui vivent dans les fleuves, les rivières et les lacs.
Les poissons d’eau douce représentent plus de la moitié des espèces totales de poissons, alors que les espaces aquatiques non salés ne représentent que 1 % des eaux du globe. « Il y a beaucoup plus de poissons d'eau douce dans le monde que de mammifères ou d'oiseaux, par exemple. Ils vivent chacun dans des systèmes qui sont isolés les uns des autres, et du fait de cet isolement des populations de poissons d'eau douce, une grande diversité a pu apparaître en divers endroits du monde », explique Florian Kirchner, responsable du programme « Espèces » au Comité français de l’UICN.
Le changement climatique nuit à la biodiversité
Près de 15 000 espèces de poissons d'eau douce sont recensées sur la planète, et un quart d’entre elles sont menacées de disparition par les activités humaines (comme la pêche, les pollutions…) mais aussi, révèle l'UICN, par le réchauffement climatique. « Il y a d'abord une baisse des débits des cours d'eau, avec l'assèchement,précise Florian Kirchner.Il y a une augmentation de la température, alors que beaucoup de poissons ont besoin de fraîcheur, notamment pour se reproduire. Et puis il y a l'élévation du niveau de la mer qui fait que les eaux salées rentrent de plus en plus dans les parties aval des fleuves. Les espèces qui vivent en bas des fleuves sont affectées par cette salinisation des eaux. »
Les poissons d'eau douce n'aiment pas l'eau salée, à part les poissons migrateurs, qui partagent leur temps entre mer et rivière. Pour eux, c'est encore plus compliqué. « Ils subissent un peu la double peine, parce qu'ils ont à la fois les menaces qu'il y a en mer et les menaces qu'il y a dans les fleuves et les rivières,précise Florian Kirchner.On le voit pour une espèce qui est très connue, très consommée : le saumon atlantique entre aujourd'hui dans la catégorie des espèces"quasi menacées",à cause de toutes les menaces qu'il subit et notamment la menace du changement climatique. »
Les poissons nourrissent l’humanité
La disparition des poissons est un drame, pas seulement pour la biodiversité, mais aussi pour l'humanité. « Des centaines de millions de personnes dépendent de la pêche. Les poissons sont une source de protéines importante en Asie, en Amérique, en Afrique... Parmi les espèces de poissons concernées, il y a le Brycinus ferox qui vit dans le lac Turkana au Kenya. C'est une espèce extrêmement importante d'un point de vue économique, très pêchée au Kenya. Il n’était pas menacé auparavant, mais il passe malheureusement dans la catégorie''vulnérables''à cause de la surpêche, de la dégradation de son habitat et du réchauffement climatique. Donc, on craint que les ressources alimentaires pour les populations qui dépendent de ce poisson diminuent », conclut Florian Kirchner. Prendre soin des poissons des lacs et des rivières, c'est aussi prendre soin de soi.
Sun, 17 Dec 2023 - 177 - Yacouba Sawadogo, l’homme qui plantait des arbres au Sahel
Le célèbre agriculteur burkinabé, qui vient de mourir, avait créé une forêt en plein désert. En perfectionnant la technique du zaï, il avait permis la naissance d’un écosystème et le retour des villageois.
Il était le paysan le plus célèbre du Burkina Faso, et peut-être même de toute l’Afrique de l’Ouest, parce qu’il avait accompli un miracle : faire pousser une forêt en plein Sahel. Yacouba Sawadogo, mort le 3 décembre à 77 ans, avait d’ailleurs reçu en 2018 le Right Livelihood Award, surnommé le prix Nobel alternatif, pour son œuvre dont la renommé avait dépassé les frontières du Burkina Faso.
« L’histoire de Yacouba commence dans les années 80 lorsque le désert tape à la porte de son village, provoquant sécheresse et famine. Tout le monde part, et lui, à contre-sens, reste dans le village et se met à planter des arbres, raconte le géographe franco-burkinabé Damien Deville, qui a consacré un livre à Yacouba Sawadogo intitulé L'homme qui arrêta le désert. Quarante ans après, le hérisson, la biche, sont revenus, des villageois se sont réinstallés, et des agriculteurs profitent de la forêt comme rempart, comme gardienne de l’eau. » La naissance d’une forêt est un cercle vertueux qui entraîne l’établissement d’un écosystème équilibré et viable.
Le zaï, un trou de vie
L'homme qui plantait des arbres en plein Sahel avait utilisé une technique ancestrale, qu'il avait perfectionnée, le zaï : des trous dans la terre (enrichis de matière organique) pour capturer la pluie, si rare. « Traditionnellement, la technique du zaï se fait au début de la saison des pluies, précise Damien Deville. Yacouba Sawadogo, lui, a commencé à planter des arbres à la fin de la saison sèche. Il a été pris pour un fou ! Mais il était parti de l’idée que pendant la saison sèche l’arbre allait pouvoir développer un système racinaire certes timide, mais suffisant pour que, lorsque arrive la saison des pluies, il puisse très vite s’élancer vers le ciel pour aller chercher le soleil, très vite dans les profondeurs pour aller chercher des nutriments. »
Nos amis les termites
L’intuition de Yacouba Sawadogo, renforcée par l’observation et la connaissance des sols, de la pluie et de la nature, a fonctionné, avec des alliés précieux : les termites. « Les paysans ont souvent tendance à détruire les termitières, ces immenses cheminées de terre, parce qu’elles prennent de la place. Mais Yacouba s’est mis à les chérir, tout simplement parce que les termites ont le même rôle que les vers de terre en Europe, par exemple, explique Damien Deville. Ils malaxent la terre, ils dégradent la matière organique, la rendant assimilable par les végétaux, et ils creusent des galeries dans la terre, permettant à l’eau de mieux s’infiltrer. »
Redécouvert au Burkina Faso sous l’impulsion de Yacouba Sawadago, le zaï a essaimé dans les champs agricoles du Mali, du Niger ou du Sénégal. Il a fait des miracles, et continue d'en faire face au réchauffement climatique. Selon une étude préliminaire de l'Institut sénégalais de recherches agricoles, le zaï permet au sol de capturer 52% de CO2 en plus qu'une culture classique.
Sun, 10 Dec 2023
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